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1 mars 2015

banque de France à Beauvais 13/02/15 - Syriza - bataille idéologique

attac oise banque 1

attac oise banque 2

En organisant une occupation symbolique de la succursale de la banque de France à Beauvais le vendredi 13 février, ATTAC Oise en partenariat avec le collectif 3A (Alternative à l’Austérité) et le collectif pour un audit citoyen de la dette publique a voulu à la fois

  • soutenir la politique du nouveau gouvernement grec (Syriza),
  •  dénoncer les pratiques frauduleuses des banques et de la finance soutenues par les autres gouvernements  européens
  • et montrer que des solutions existent.

Après l’incroyable pression faite de menaces et de chantages  organisée tout à tour par les différents gouvernements européens, la BCE, le compromis signé le 20 février arraché à 1 contre 18 interroge tous les progressistes et démocrates.

La partie de poker est serrée. Sans être maximaliste, on est loin du programme de Syriza. L’austérité n’est pas stoppée. Mais au vu du rapport de force pouvait-il en être autrement ? La question se pose. Le gouvernement grec ne pourra pas gagner seul. Ils ont gagné 4 mois de répit. Il faut les mettre à profit pour mobiliser les citoyens en France et en Europe.

ATTAC est un mouvement d’éducation populaire dont l’objectif est de permettre aux citoyens de comprendre et de se réapproprier l’espace politique au sens grec du terme politique : la polis c’est à dire gérer ensemble la cité dans l’intérêt général.

C’est pourquoi nous nous permettons de reproduire en partie un article de Médiapart sur les enjeux des débats autour de la crise entre Syriza et l’eurogroupe.  Au passage cela nous donne l’occasion de faire de la publicité pour cet excellent média qu’est Médiapart.

http://www.mediapart.fr/journal/international/270215/grece-vs-union-europeenne-la-guerre-des-recits

Grèce vs Union européenne : la guerre des récits

27 février 2015 |  Par christian salmon

La bataille des chiffres, la querelle des mots, le conflit des images et la dispute des valeurs : voilà les quatre ingrédients qui composent la guerre des récits et visent à transformer le compromis économique et financier décroché par Syriza à Bruxelles en une défaite politique.

  • À l’issue d’un débat télévisé en 1984 au cours duquel Ronald Reagan avait été dominé par son concurrent Walter Mondale, le conseiller de Reagan, Lee Atwater, déclara : « Maintenant nous sortons et nous allons faire tourner la suite » (spin this afterward). Cette suite, c’était le « débat sur le débat », devenu aujourd’hui aussi important dans les campagnes présidentielles que le débat lui-même, et qui permit à Reagan, grâce à une intense campagne de « spinning », d’être finalement reconnu vainqueur.

C’est à une telle campagne de spinning que l’on assiste depuis l’accord du 20 février 2015 entre l’Eurogroupe et la Grèce. Cette campagne qui a envahi les colonnes des journaux et les réseaux sociaux vise à transformer un compromis économique et financier en une défaite politique. C’est une bataille d’interprétation dont l’enjeu n’est pas tant, ou pas seulement, la consolidation de la dette grecque auprès de ses créanciers que le crédit politique de Syriza auprès des électeurs européens.

[…]  Plutôt que des séquences qui se suivent et s’enchaînent de manière linéaire, cette bataille symbolique, logo-économique, se donne à lire comme une suite de coups performatifs et se déploie simultanément sur cinq plateaux :

  • 1. La bataille des chiffres

C’est sur le terrain des chiffres que l’affrontement entre la Grèce et l’Allemagne a été le plus ambigu. Athènes voulait un objectif d'excédent primaire (excédent budgétaire hors charge de la dette) de 1,5 % du PIB ; Berlin voulait le maintien des objectifs de 2012 : 3 % du PIB en 2015, 4,5 % en 2016. […] Les deux camps ont passé un compromis mais l'abandon des objectifs chiffrés est une défaite claire pour Wolfgang Schäuble, ministre des finances allemand. Ce qui n’a pas empêché les commentateurs de parler de « capitulation » et d’affirmer que la Grèce avait plié devant l’Allemagne.

  • 2. La querelle des mots

« Nous sommes tombés d’accord sur le fait que nous ne sommes pas d’accord », a affirmé Wolfgang Schäuble en conférence de presse avec Yanis Varoufakis. Celui-ci répliquant dans un grand sourire : « Nous ne sommes même pas tombés d’accord sur le fait de ne pas être d’accord » ; ce qui ouvrait la voie à la possibilité d’un malentendu mais qui a été présenté par l’ensemble des commentateurs comme une provocation. Un des points de désaccord entre l’Allemagne et la Grèce concernait le rôle de la « Troïka » qui désignait l'attelage formé depuis février 2010 par la Banque centrale européenne, la Commission européenne et le Fonds monétaire international pour superviser l’exécution des plans de sauvetage de la Grèce. Vivement critiquée pour son caractère non démocratique, la Troïka est devenue le symbole de la mise sous tutelle de la Grèce par un quarteron de fonctionnaires internationaux dont certains n’étaient même pas européens. En finir avec cette hydre de Lerne constituait l’une des promesses de campagne de Syriza !

Au terme des négociations, Athènes a dû accepter une supervision des organismes pendant quatre mois supplémentaires mais elle a exigé en contrepartie que le terme « troïka » soit remplacé dans tous les documents officiels par « institutions ». De la même façon, les Grecs souhaitaient qu’on ne parle plus d’une « extension du programme » d’aide, mais « d’un cadre transitoire » ou « programme modifié ».

[…] Et les diplomates connaissent très bien l’importance des mots dans les négociations internationales. « Si vous cédez sur les mots, disait Freud, vous cédez sur les choses. » Si vous voulez changer les choses, il faut commencer par changer les mots. En finir avec le terme « troïka » constituait un préalable pour briser la domination symbolique instaurée par la fusion arbitraire de trois instances sans légitimité, ainsi qu’Alexis Tsipras l’avait annoncé à ses électeurs lors de sa victoire.

[…]

  • 3. Le conflit des images

Jusque-là, la scène européenne se répartissait entre deux types d’acteurs : d’un côté le vrai pouvoir, une puissance d’action anonyme, invisible : Bruxelles, la Troïka, les marchés, les multinationales, les agences de notation, les instances supranationales, les banques centrales, le FMI... De l’autre, des pouvoirs bien visibles mais impuissants !

La victoire électorale de Syriza et l’apparition sur la scène mondiale de dirigeants politiques comme Alexis Tsipras et Yanis Varoufakis ont bouleversé cette distribution des rôles. Cela a contraint les négociateurs européens à sortir de l’ombre, projetant une lumière crue sur la scène habituellement opaque des négociations. Le visage poupon aux cheveux bouclés du Néerlandais Jeroen Dijsselbloem, président de l'Eurogroupe, est apparu au premier plan tout comme celui de l’inflexible ministre des finances allemand, Wolfgang Schaüble, circulant en fauteuil roulant. Deux figures opposées à celle de Yanis Varoufakis dont le look non conformiste fit aussitôt la une des médias, même en Allemagne où l’on est davantage qu’ailleurs et pour des raisons historiques rétif au storytelling. Comparé à Bruce Willis par la chaîne publique allemande ZDF, félicité pour sa « virilité classique » par l’hebdomadaire Stern, qualifié de « sex icon » par le quotidien Die Welt proche des milieux conservateurs d’Angela Merkel, Varoufakis a fait l’unanimité des médias qui ont reconnu en lui un « intéressant personnage », une « story ». […]

« Les tenues décontractées qu’affichent M. Varoufakis et les autres ministres grecs, affirmait le quotidien britannique The Financial Times, vont bien au-delà d’une question de style. Elles symbolisent le message selon lequel Syriza, le parti de la gauche radicale au pouvoir à Athènes, est un mouvement anti-establishment dont l’intention est de défier l’orthodoxie dont l’Allemagne est le chef de file. » […] Le « cool » si prisé par les médias devint une faute de goût « sur la scène très “policée” des grands argentiers européens ».

[…].

  • 4. La dispute des valeurs

[…]la Grèce était en faillite... La faute à qui ? Aux banquiers indélicats qui arrosèrent la Grèce de liquidités pour financer les exportations allemandes ou françaises ? Aux bénéficiaires grecs des largesses européennes qui organisaient l’évasion fiscale ? À la banque Goldman Sachs qui maquilla les comptes grecs pour permettre à la Grèce de rejoindre la monnaie unique ? Ou à la population grecque accusée de tous les maux et sommée de se réformer pour expier ses fautes ? C’est la fable de la cigale grecque et de la fourmi allemande assenée pendant des années par le gouvernement allemand et ses affidés.

L’Allemagne a réussi à transformer un défaut de construction de la zone euro en une faute morale (le mot dette en allemand, die Schuld, signifie aussi culpabilité, faute). Elle a réussi à faire d’un rapport de force déséquilibré entre les pays vertueux du Nord et ceux du Sud, qualifiés avec mépris de « club Med », un théâtre opposant les vertueux allemands aux fraudeurs grecs. La Grèce devint coupable de ses dettes dont le paiement devint une obligation morale. « La Grèce est déterminée à ne pas être traitée comme une colonie de la dette dont le destin est de souffrir », a répliqué Yanis Varoufakis dès sa prise de fonctions.

« Depuis trois ans, explique le ministre des finances grec dans son livre Le Minotaure planétaire, la population allemande s’est convaincue que l’Allemagne a échappé au gros de la crise parce que, contrairement aux Méridionaux qui dépensent sans compter, les Allemands travaillent dur et savent s’en tenir à leurs moyens. (…) Une telle façon de penser s’accompagne d’une incompréhension totale de ce qui a assuré le succès de la zone euro et garanti l’excédent allemand jusqu’en 2008 : c’est-à-dire la manière dont, pendant des décennies, le minotaure planétaire générait la demande permettant à des pays comme les Pays-Bas et l’Allemagne d’être exportateurs nets de capitaux et de biens de consommation tant vis-à-vis de la zone euro que du reste du monde. » Un premier pas pour changer le récit européen...

 

  • 5. La guerre des récits

Que doit faire une famille surendettée, plaident depuis des années les avocats de l’austérité ? Elle négocie les délais de ses crédits et se serre la ceinture pour les rembourser. De là à penser que les nations surendettées doivent faire la même chose, il n’y a qu’un pas, franchi allègrement par les tenants de la règle d’or. Les gouvernements de droite comme de gauche n’ont-ils pas acheté la paix sociale pendant trente ans en s’endettant ? N’est-il pas temps de rembourser, se lamentent les tartuffes de la dette souveraine. La fourmi allemande n’en finit pas de faire la morale à la cigale grecque. Ses consœurs d’Espagne, du Portugal, ou d’Italie, sont aussi exposées aux foudres de la fourmi Merkel.

Qu’est-ce qui ne va pas avec cette métaphore de la famille endettée, s’interroge l’économiste Paul Krugman, prix Nobel 2008 ? La réponse est simple : dans une famille, les revenus sont indépendants des dépenses. On peut donc réduire les dépenses en maintenant le niveau des revenus familiaux et espérer se désendetter en échelonnant les délais de remboursement. Au niveau national, les choses ne se passent pas ainsi car les dépenses des uns constituent le revenu des autres. Si pour désendetter un pays, on se contente de comprimer les dépenses, le revenu des uns diminue parce que les autres dépensent moins, et vice versa. Ainsi la chute des revenus aggrave-t-elle le problème de la dette. « Le bon moment pour l'austérité, ce sont les périodes de boom, pas les moments de crise », affirmait déjà Keynes. Alors, pourquoi continuer à prôner l'austérité ?

[…] l’hégémonie du récit ordolibéral allemand parmi les élites bureaucratiques s’explique non pas par la mauvaise foi mais par la foi justement, la croyance collective dans la performativité des normes juridiques contenues dans les traités. C’est la foi des comptables du Trésor, des juristes, des hauts fonctionnaires, très compétents en matière de normes mais qui ne sont pas des économistes...

Tout cela a eu pour effet de déporter l’analyse de l’intelligence des mécanismes de base et des lois économiques vers le juridisme des négociations diplomatiques inter-européennes. C’est l’empire du chiffre et de la norme juridique contenu dans les traités européens. À la connaissance des lois économiques, on préfère les invocations empruntées à la novlangue européenne : restaurer la confiance, rembourser, efforts, sérieux... Une grammaire du blâme et de la punition qui percole dans les élites bureaucratiques et médiatiques. « Une des grandes ironies de cette négociation, a raconté Yanis Varoufakis quelques jours après la fin des négociations, c’est qu'il n'y a pas de discussion macroéconomique au sein de l'Eurogroupe. Tout est basé sur des règles, comme si elles étaient un don de Dieu et qu’elles pouvaient s’imposer aux règles de la macroéconomie. J’ai insisté pour parler macroéconomie ! »

[…]il est notable comme le rappelait le philosophe Michel Feher qu’une réduction du budget militaire de la Grèce – le quatrième en Europe ! – n’a jamais figuré parmi les exigences de la Troïka.

[…]

 

  • Épilogue en forme de fable godardienne

Jean-Luc Godard, qu’on n’écoute jamais assez, a proposé une solution simple et originale pour résoudre la crise grecque. Elle repose sur une réévaluation de la notion même de dette ; non plus la dette souveraine qui étrangle les Grecs mais la dette suprême que nous avons à l’égard de la Grèce, sa langue, sa philosophie, sa démocratie. « Les Grecs nous ont donné la logique. Nous avons une dette envers eux pour ça. C’est Aristote qui l’a apportée avec le fameux “donc”. Comme lorsque nous disons : “Tu ne m’aimes plus, donc…” Ou encore : je t’ai surprise au lit avec un autre homme, donc… » Manière très godardienne d’enseigner la logique aristotélicienne et son fameux syllogisme : « Tous les hommes sont mortels, or Socrate est un homme, donc Socrate est mortel. »

La précieuse conjonction, qui fut bien utile aussi à Descartes pour formuler son cogito (« je pense donc je suis »), est au cœur des échanges entre les hommes, plus encore que l’euro ou le dollar. Nous utilisons ce mot des millions de fois. Il nous aide à prendre les décisions les plus importantes de nos vies. En période de crise, il prend le visage austère de la « rigueur ». « Donc », nos hommes politiques en font un usage ruineux par les temps qui courent. Godard nous dit : Il est temps de payer pour ça ! « Si chaque fois que nous utilisons le mot donc, nous devions payer 10 euros à la Grèce, la crise serait terminée du jour au lendemain et les Grecs n’auraient pas à vendre le Parthénon aux Allemands. Chaque fois qu’Angela Merkel dit aux Grecs : “Nous vous avons prêté tout cet argent, donc vous devez nous rembourser avec les intérêts”, elle devrait d’abord leur payer des droits d’auteurs. »

Ce que Godard propose, c’est rien de moins qu’une taxe Tobin appliquée aux échanges verbaux. La taxe Godard n’est pas aussi fantaisiste qu’elle en a l’air. N’achète-t-on pas déjà des mots sur Google pour en faire un usage commercial ? Elle a le mérite de la simplicité. Rien n’est plus facile que de recenser dans les discours officiels les occurrences de la malicieuse conjonction. Taxer le mot « donc » aurait par ailleurs l’avantage de rendre ruineux les raisonnements fallacieux si fréquents dans les discours politiques. Il ralentirait la vitesse des déductions hasardeuses qui conduisent à faire payer aux pauvres les dettes de l’économie « casino ». Car le langage souffre des mêmes maux que le crédit. […]

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Par Ludovic Lamant

Par La rédaction de Mediapart

 

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